Ces cinq dernières années en Flandre, de nombreuses expériences ont été menées et des connaissances ont été partagées en matière de construction circulaire. C’était l’occasion de voir à l’œuvre de nombreux professionnels très enthousiastes et engagés pendant les journées d’action de Green Deal Circulair Bouwen ou dans le cadre d’innombrables projets de Vlaanderen Circulair. Et par le biais de Buildwise également, j’ai pu soutenir et accompagner une foule de précurseurs du secteur dans la mise en pratique des principes circulaires.
Il convient dès lors de se demander comment passer au niveau supérieur. Comment embarquer tout le monde dans la circularité ? Je me demande également si, en 2024, la taxonomie de l’UE apportera l’élan attendu (et nécessaire). Les grandes entreprises, comme les grands promoteurs immobiliers, les producteurs, les banques, les compagnies d’assurance, seront obligées de rédiger des rapports sur leurs activités durables qu’elles imposeront ensuite aux entreprises de leur chaine de valeur. La grande majorité des entreprises de construction et d’installation ou des bureaux d’architectes n’est donc pas directement concernée par la taxonomie, mais celle-ci peut tout de même les toucher indirectement. Jusqu’où les « critères circulaires » de la taxonomie s’infiltreront-ils ? Les retrouvera-t-on sur la table de conception et dans le cahier des charges ? Et si cela se produit, les architectes seront-ils prêts à y répondre ?
Chaque architecte devra ainsi apprendre à concevoir des projets pour demain (selon des scénarios possibles) plutôt que des projets en fonction des besoins spécifiques d’aujourd’hui. En d’autres termes, l’architecte réduira sa touche personnelle et laissera davantage de liberté aux futurs propriétaires ou utilisateurs afin d’effectuer des adaptations à l’avenir. L’on ne peut bien entendu pas anticiper toutes les modifications futures possibles, mais avec un certain nombre de choix de conception intelligents, l’on peut accroitre la durée de vie d’un bâtiment. Le choix entre la démolition, la rénovation ou la reconversion est souvent lié aux hauteurs sous plafond, au concept structurel, à l’espace pour les installations techniques, aux possibilités de modification des plans, etc. Selon moi, les architectes doivent être plus conscients de cette responsabilité.
Il nous faudra également accorder plus d’attention à la standardisation. De cette façon, l’on veille à ce que les composantes du bâtiment présentent un potentiel de réutilisation plus élevé à l’avenir. Par ailleurs, maintenant que les fabricants prennent de plus en plus de responsabilités concernant la seconde vie de leurs produits (réutilisation ou recyclage), ils rédigeront des normes relatives à l’utilisation de leurs matériaux. Les solutions techniques de construction seront de plus en plus proposées comme « solutions complètes » de la part du marché, avec des dimensions standards ou des moyens d’assemblage spécifiques, et naitront moins de la table de conception.
Enfin, l’architecte joue un rôle clé dans le recours aux matériaux réutilisables dans le cadre de projets. Les matériaux réutilisables présentent des imperfections, des différences de couleur ou parfois des performances techniques incertaines. En combinant un projet intelligent et créatif avec l’expérience en matière de collaboration et de coordination, l’architecte peut faire la différence et est bien placé pour accroitre les chances de réussite des matériaux réutilisables.
Je me réjouis de voir ce que 2024 nous réserve ainsi que de voir comment le secteur de la construction concrétisera vraiment la transition vers une économie circulaire.
Aline Vergauwen,
Dr. Ir. Arch. – Chef de projet chez Buildwise